Note technique d’analyse

Projet de circulaire sur les malades étrangers (2006)

Alors que le gouvernement avait renoncé à toucher au droit au séjour des malades dans le cadre de la réforme de la loi sur l’immigration, un projet de circulaire des ministères de l’Intérieur, de la Santé et de la Cohésion sociale vient d’être révélé.
En organisant la violation du secret médical, il permettra à l’administration de renvoyer dans leur pays des étrangers qui ne pourront pas y bénéficier de soins.

- Etablissement de liste de pathologies croisées avec une liste de pays :

26 pays sont classés en fonction de l’offre de soins disponible :
dans 6 pays l’offre de soins est présentée comme disponible pour toutes les pathologies à l’exception du VIH et de la tuberculose (Maroc, Tunisie, Roumanie, Colombie, Russie, Philippines) ; dans 7 pays l’offre de soins est jugée disponible pour la très grande majorité des pathologies (Algérie, Sénégal, Géorgie, Arménie, Egypte, Chine, Pakistan) ; dans 13 pays l’offre de soins est présentée comme disponible pour une minorité de pathologies.

Seule la dernière catégorie bénéficiera de la procédure classique, tandis que pour les autres seule « une décision personnelle du préfet du département concerné au vu d’un avis circonstancié du médecin inspecteur de santé publique » pourra permettre la délivrance d’un titre de séjour.

Cette classification est associée à une liste de pathologies pour lesquelles l’offre de soins est décrite pays par pays. Cette liste a été établie à partir d’un questionnaire rempli par les ambassades de France à l’étranger.

Ceci revient à établir une liste de « pays sûrs » d’un point de vue sanitaire, et évacue totalement l’examen individuel des situations.

- Accessibilité/ Disponibilité du traitement dans le pays d’origine :

La notion d’accès effectif au traitementest abandonnée au profit de la notion d’offre de soinsdans le pays d’origine. Ce qui compte n’est donc plus que le malade puisse accéder aux soins en cas de retour dans son pays d’origine mais que les soins existent dans ce pays. Le fait que l’intéressé ne puisse pas en disposer notamment pour des raisons économiques n’est plus pris en compte (« cette appréciation est purement sanitaire [...] elle n’est pas économique ou financière »).

Pire, à l’instar de l’ « asile interne », il suffit que les soins existent « dans la capitale ou dans au moins une ville » du pays d’origine pour qu’un avis défavorable soit émis quant à la régularisation de l’intéressé.

- Organisation de la violation du secret médical :

1. C’est le préfet qui est chargé d’envoyer au médecin choisi par l’étranger un dossier administratif pour que celui-ci établisse son rapport médical. Les préfets auront connaissance de la spécialité de ce médecin. De plus, il est demandé au médecin inspecteur de santé publique de donner au préfet des « indications suffisantes sur la gravité de la pathologie dont souffre l’étranger et sur la nature des traitements dont il peut avoir besoin ».

Il suffira alors aux préfectures de croiser ces différentes informations (spécialité du médecin, gravité de la pathologie et nature du traitement) pour savoir de quelle pathologie il est question.

2. La circulaire précise : « lorsque les étrangers ont levé eux mêmes le secret médical à l’appui de leur demande de titre de séjour ; outre l’avis du médecin inspecteur, le préfet peut ainsi apprécier la disponibilité effective d’un traitement approprié dans le pays d’origine ».

Or dans la pratique actuelle d’un grand nombre de préfectures, les étrangers sont contraints de lever le secret médical en raison d’une exigence non réglementaire de remettre un « certificat médical » au guichet pour enregistrer la demande (outre le rapport médical destiné au médecin de la DDASS, seul document médical théoriquement prévu).

- Possibilité pour le préfet de ne pas tenir compte de l’avis du médecin inspecteur de santé publique :

Une fois le secret médical levé, le projet de circulaire prévoit que le préfet pourra lui-même apprécier la disponibilité des soins dans le pays d’origine du demandeur à partir des listes de pathologies/pays (« outre l’avis donné par le médecin inspecteur, le préfet peut ainsi apprécier la disponibilité effective d’un traitement approprié dans le pays d’origine avant de prendre sa décision »).

Cette possibilité permettra à l’administration non seulement d’exercer un contrôle sur les avis produits par le médecin inspecteur de santé publique mais encore de s’affranchir de ses préconisations, alors que seul un médecin est en mesure de se prononcer sur des critères médicaux.