Document d’analyse - Réforme de l’Aide Médicale d’Etat : les conséquences, à partir du 1er mars 2011, sur l’organisation du système de soins

Document d’analyse de l’ODSE

L’exigence d’un ticket d’entrée de 30 euros et d’une entente préalable pour les soins lourds entrave l’accès aux soins des personnes et complexifie le travail de tous les professionnels de santé.

Depuis le 1er mars 2011, les personnes en situation irrégulière doivent payer 30 euros par an pour obtenir leur Aide Médicale d’Etat.

Après avoir fait leur demande et une fois leur admissibilité prononcée par la caisse, elles doivent s’acquitter de la somme de trente euros en timbres fiscaux pour pouvoir retirer leur carte.

La loi prévoit également la publication d’un décret afin de définir les modalités applicables lors d’une entente préalable pour les soins lourds hospitaliers. Si elle était mise en place, cette procédure obligerait les médecins à attendre l’accord de la CPAM pour engager des soins lourds pour les bénéficiaires de l’AME, multipliant les démarches administratives et entraînant irrémédiablement des retards pour ces soins. Un autre décret est également prévu pour réduire le panier de soins pris en charge par l’AME.

Ces mesures auront des conséquences délétères sur la santé des personnes. Elles portent un atteinte manifeste à la santé publique.

Elles deviennent une source de désorganisation du système de santé à l’hôpital comme pour les soins de ville.

Au niveau hospitalier :
- Recours accrus aux urgences.
Les urgences médico-chirurgicales seront de plus en plus sollicitées par des personnes qui remplissent les conditions de l’AME mais ne l’ont pas demandée, arrêtées par le ticket d’entrée.

  • Ces personnes vont utiliser les urgences comme lieu de consultation de médecine avec paiement différé ;
  • Elles risquent de laisser leur situation médicale s’aggraver au point de consulter in fine aux urgences.
    Les Permanence d’accès aux soins (PASS) auront un taux de fréquentation en hausse sans pour autant bénéficier d’une aide financière supplémentaire ni de nouveaux moyens.

- Augmentation de l’aléa financier.
Lorsque la demande d’AME sera faite dans le cadre d’une hospitalisation, les hôpitaux seront informés si les personnes sont éligibles à l’AME. Cependant, les frais engagés ne pourront être remboursés à l’établissement au titre de l’AME que si le demandeur s’est acquitté du droit de timbre au moment de la délivrance de sa carte. Dans le cas contraire, si la personne ne peut s’acquitter des trente euros, l’hôpital ne sera pas payé au titre de l’AME. Il sera contraint de facturer le patient, généralement insolvable vu le niveau de ressources des intéressés.

Dans un nombre restreint de cas l’hôpital aura la possibilité de faire appel au Fonds pour les soins urgents et vitaux (FSUV), procédure qui pose de nombreux problémes :
Le recours au FSUV est limité aux seuls cas d’urgence vitale, contrairement à l’AME. Dans le cas où la personne est éligible à l’AME mais où les soins engagés ne correspondent pas aux critères médicaux du FSUV, l’hôpital n’aura plus aucune possibilité de recouvrement.

  • La multiplication des demandes impactera incontestablement le travail du personnel administratif déjà largement surchargés.
  • Le recours au FSUV pour des personnes ayant des droits potentiels constitue un détournement de l’objectif originel du dispositif et est de nature à destabiliser les comptes des hôpitaux et du dispositif FSUV.

En ville

  • Augmentation des difficultés d’obtention de l’aide médicale.
    L’introduction du droit de timbre – rappelons que l’AME est réservée aux personnes qui ont moins de 634 euros par mois pour vivre - va placer les professionnels de santé dans des situations délicates face à des personnes potentiellement éligibles à une couverture médicale mais ne pouvant s’acquitter du droit de timbre.

- Augmentation du non-recours à l’AME.
Face à un besoin de soin, les personnes hésiteront entre utiliser les trente euros pour aller chercher leur attestation d’AME ou aller directement chez le médecin généraliste et le payer. Face aux difficultés d’accès aux guichets de la Sécurité sociale (réductions des personnels et des points d’accueil du public, limitations horaires), les personnes seront enclines à donner la priorité à la consultation médicale et ainsi à dépenser l’argent nécessaire pour financer leur attestation AME.

- Augmentation des taux d’échec des procédures d’instruction prioritaire de l’AME.
Déjà méconnues des caisses, les procédures d’instruction rapide de l’AME en vue d’éviter l’aggravation de l’état de santé, ne sont pas appliquées. Sans le suivi du dossier par un soutien expérimenté et extérieur aux caisses, ces demandes sont vouées à l’échec. Le délai nécessaire entre le temps d’instruction d’un dossier AME et l’envoi par courrier de l’accord sous réserve du paiement du droit de timbre va achever de faire disparaître ces procédures.